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Tiré de L'empire des signes de Roland BARTHES
BAGUETTES
Sur le Marché Flottant de Bangkok, chaque marchand se tient dans une petite pirogue immobile ; il vend de très menues quantités de nourriture : des graines, quelques œufs, bananes, cocos, mangues, piments (sans parler de l'Innommable). De lui-même à sa marchandise en passant par son esquif, tout est petit. La nourriture occidentale, accumulée, dignifiée, gonflée jusqu'au majestueux, liée à quelque opération de prestige, s'en va toujours vers le gros, le grand, l'abondant, le plantureux ; l'orientale suit le mouvement inverse, elle s'épanouit vers l'infinitésimal : l'avenir du concombre n'est pas son entassement ou son épaississement, mais sa division, son éparpillement ténu, comme il est dit dans ce haïku :
Concombre coupé.
Son jus coule
Dessinant des pattes d'araignée.© Points Seuil, 2007 (page 28)
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Au Japon, il est calligraphié sur une seule ligne verticale. L'Europe l'a adopté en l'écrivant sur 3 lignes horizontales, 3 vers minuscules (5-7-5 syllabes en principe).
Le haïku contient pourtant un univers en miniature : l'émotion d'un instant, avec une image évoquant la saison de son éclosion. Il peut être grave ou drôle, tendre ou terrible : tout est permis, tout est possible !Poignardé à mort
cauchemar en vrai
Piqûre de puce*****
Un piment
Offrez-lui des ailes
Une libellule rouge*****
La cloche se tait
Parfum des fleurs en écho
Soir d'automneCes trois-là, écrits par l'un de ses plus grands maîtres : Matsuo Bashô (1644-1694), sont tirés d'un livre-joyau où tout est beau : le papier (Apollo Ivory 120 grammes), le texte de Françoise Kerisel, les images de Frédéric Clément.
BASHÔ
Le fou de poésie
Françoise Kerisel - Frédéric Clément
Albin Michel, 2009
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